lundi 29 décembre 2014

SURVIVOR

Beaucoup et en même temps peu de gens le savent... Ceux qui le savent ne comprennent pas pourquoi je n'arrive pas à passer au dessus, ceux qui ne le savent pas ne comprennent pas certaines de mes attitudes.

Vous avez déjà ressenti la mort vous prendre au cou ? Vous vous êtes déjà dit que vous alliez mourir pour de bon une fois dans votre vie ? Avez-vous déjà regardé la mort droit dans les yeux ? Et puis finalement lui dire d'aller se faire voir ?

J'ai longuement hésité avant de faire cet article mais j'en ai besoin, j'ai besoin que les gens sachent ce que c'est, que les gens comprennent aussi...

Il y a presque bientôt un an, lors d'un entrainement, j'ai vécu ce que je ne souhaite à personne de vivre.
Les conditions étaient particulièrement étranges ce jour la... Après plusieurs tempêtes et en en attendant une autre nous sortons en Rs:X. Les conditions de vent, quand nous  partons sur l'eau, ne sont pas si forte, mais la mer est très formée... Les vagues déferlent partout dans la baie, devant le club, c'est de la folie... Puis le vent est monté !
Vite à la rue dans ce genre de conditions je me suis vite retrouvée à la traîne par rapport aux autres. Quand j'ai enfin rejoint le groupe, nous étions bien en dehors de la baie, je m'étais déjà fait peur la veille en sortant de la baie et la je n'étais vraiment pas rassurée... Le coach arrive vers moi en zod et me dit : "allé on retourne dans la baie". Il ne m'a pas fallut longtemps pour abattre et retourner vers la baie. Je fait quelques mètres en babord, le coach ne me suit plus, j'entame mon jibe et la... Une vague qui déferle vient me taper le pied avant, ça me fait sortir le pied du strap et m'éjecte en arrière, ma voile se couche sur l'eau et le matos commence à dériver poussé par le vent et la houle... Je commence à nager derrière mais je comprends vite... Je comprends que je ne le rattraperait pas !
Je commence alors à regarder autour mais personne... Ils étaient déjà tous rendu dans la baie ! A ce moment la je pense aux vagues qui peuvent me déferler dessus à tout moment, je n'ai pas de gilet de sauvetage et je suis seule en dehors de la baie... J'ai peur, très peur, je me met à crier,il faut que quelqu'un m'entende...
Vu que je dérive vers l'estuaire, je me dirige un peu vers la bouée verte de chenal, mon objectif : aller m'accrocher à cette bouée pour que quelqu'un puisse me voir et que je puisse me reposer dessus.
C'est peine perdue, plus je me rapproche, plus je me rend compte que de une la bouée est immense et que je n'arriverai jamais à monter dessus, et de deux que de toute façon je dépalle trop par rapport à la bouée...
La je me dit que je vais mourir, je hurle tout ce que je peux pour que quelqu'un m'entende.
J'entend le bruit d'un moteur, je vois le zodiac, le coach me cherche, je hurle encore plus fort, je peux pas rester la, je peux pas, j'ai pas le droit, faut que je fasse tout ce que je peux pour me sortir de ça !
Il change de trajectoire, "je vais mourir"...
Je réentend le moteur, 50m au dessus de moi, pleine balle, le coach... Il continue de me chercher... je suis sous le vent, je ne crie pas ça ne sert à rien il ne va pas m'entendre... C'est définitif je vais finir ma vie ici dans quelques minutes, peux être quelques heures... Ca peut paraître stupide mais à une dizaine de jours de mes 18 ans, j'ai cru que je ne les aurai jamais... Je pense à mes parents aussi, je les voit inquiets, tristes, tous les scénarios me passent par la tête...
Je ne lâche pas, tant que j'ai de la force et surtout de l'esprit je nage, le plus possible vers la baie pour rentrer un maximum et ne pas dériver dans l'estuaire ! Je continue de crier, les conditions sont tellement tempêtesques qu'un hélico tourne, je lui fait des signes,vaille que vaille, je veux sauver ma peau...
Je crie toujours et encore, je veux qu'on m'entende, que quelqu'un dans cette baie m'entende, par moment je reprend mon clame, j'arrive à temporiser puis la peur reprend le dessus et alors je me remet à hurler... A un certain moment je me dis que si je continue à crier comme ça et que je doit le faire encore longtemps il faut que je trouve un autre moyen... J'ai un sifflet à mon harnais mais trop compliqué à attraper, j'ai apprit depuis peu à siffler avec les doigts, je le fais alors pendant un certain temps... Je continue de nager, de crier, de reprendre mon calme, d'avoir peur...

En entrainement dans la baie le même week-end que nous : les 49er !

Quand je nage je me rend compte que depuis un certain temps ils sont dans une même zone, zone vers laquelle je nage, vers laquelle je dérive. C'est mon seul espoir, je me fixe pour objectif de nager vers eux, je nage, je nage, je continue de crier aussi, si ils ne me voient pas ils m'entendront, ils sont sous le vent.
Je les voit se diriger vers moi, puis réabattre, je me dit que ce n'est pas possible, qu'ils ne peuvent pas me faire ça, pas si près... Je hurle mes dernières forces vocales, puis je les voit revenir vers mois, un bras qui se lève et me fait signe... C'est fini, ils m'ont vu, je suis sauvée... Je nage encore vers eux, je ne veux plus rester là dans cette eau, je veux me sentir à l'abri...
Ca y est, je suis sur leur bateau, tétanisée, traumatisée, agrippée à je ne sais trop quoi, en boule au fond du bateau, impossible de bouger... Leur coach arrive au bateau et je vois bien dans son regard de l'incompréhension, de la surprise, "mais qu'est-ce qu'elle fait la ?". Je pense qu'il avait vu mon matos qui dérivait donc savait plus ou moins ce qu'il se passait. Mon coach est arrivé, il voulait prévenir l'autre coach de ce qu'il se passait mais j'étais là, saine et sauve... J'ai vu son soulagement, il m'a fait monter dans son zod et on est retournés chercher le matos...
La j'ai regardé l'heure, je savais à peu près à quelle heure j'étais tombée, je pensais avoir nagé une bonne heure mais en fait : 20 minutes. Les 20 minutes les plus longues de ma vie...

Je suis dans le bateau complètement traumatisée, je sanglote, je pleure, je rigole, je n'arrive pas à contrôler toutes les émotions qui passent... Le coach me rassure, me dit que ça va, que je suis vivantes, mais je suis dans un état second, je ne me souvient plus bien de ce qu'on s'est dit, de ces moments de retour à la vie...
Il m'a fait remonter sur ma planche,et c'est sans doute la meilleure chose de la terre qu'il pouvait faire. J'ai fait un immense bord babord, escorté par tout le monde, personne ne me lâche d'une semelle...
Le coach me ramène un zod jusqu'au bord, au club et la me serre fort dans ses bras, je comprend qu'il a eu très peur, peut être aussi peur que moi...

De retour à terre, toujours aussi traumatisée, certaines personnes sont déjà au courant, on vient me voir, me consoler... Je pense à mes deux sauveurs, sans qui je ne serai peut être plus là à l'heure actuelle...

Cette histoire qu'y m'est arrivée est déjà sûrement arrivée à bon nombre de personne... Beaucoup de gens ont déjà eu à nager derrière leur matos mais chaque situation est différente et certains vont sûrement trouver excessif cette réaction que j'ai eu, mais croyez moi quand vous sentez que la mort n'est pas loin vous le savez...

Pensez ce que vous voulez de mon histoire, je sais ce que j'ai vécu, je sais les séquelles qui m'ont été laissées par cet événement.
En tout cas une chose est sûre, on ne sort pas indemne de ce genre d'accident. On prend conscience de la vie, de sa fragilité, a quel point elle est précieuse... Le traumatisme est toujours là, j'ai souvent peur quand les conditions se musclent, je perd mes moyens, je panique...

Si j'écris cet article c'est pour que certains comprennent certaines de mes réactions dans certaines situations et aussi pour demander aux gens qu'ils arrêtent de se plaindre pour un oui ou pour un non, parce qu'on en vie merde ! Alors profitez-en tant que vous en avez-une et une vrai. Demain il sera peut-être trop tard...

5 commentaires:

  1. Bonjour.
    Cet article m'a vraiment touché. J'ai vécu une situation de panique sur un gros carton à Martigues sur un France espoirs en One Design, y'a quelques années, et pourtant on ne m'a pas perdu de vue !... Ça m'a rappelé des souvenirs en tout cas. Bravo en tout cas pour le sang froid et surtout pour être remonté à cheval !

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  2. Bonjour.
    Cet article m'a vraiment touché. J'ai vécu une situation de panique sur un gros carton à Martigues sur un France espoirs en One Design, y'a quelques années, et pourtant on ne m'a pas perdu de vue !... Ça m'a rappelé des souvenirs en tout cas. Bravo en tout cas pour le sang froid et surtout pour être remonté à cheval !

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  3. Bonjour, après 35 ans de pratiques j'ai vécu quelques galères dans ce genre : cote sauvage de quiberon en surf en decembre, lanzarote dans 40 noeuds, casses de mat, wish diabolo en longue distance) et même eu la joie de rammener un kiteux en janvier par vent de terre que je suis allé chercher à 1.5 miles au large ne Normandie, 1h30 pour rentrer.
    Perso comme pour mon fils qui cours chez les plus jeunes, gilet 50 N, lampe flash, 3 m de filin dynema fin, obligatoire désormais. La natation est un plus, quand on nage quelques km par semaine on ne panique pas au fait de rester dans l'eau.

    C'est très bien que tu ais repris le dessus et la compétition, mais c'est ce qui fait le charme de nos sports comme en montage, on est dans la nature et il ne suffit pas de demander un temps mort ou de se laisser tomber par terre comme au foot ! C'est aussi ce qui nous permet d'évoluer sur des spots pas surpeuplés par le tourisme et la pratique de masse comme les pistes bleus ou les plages en été.

    Ton témoignage est super car de nombreux jeunes de ton âge ne se rendent pas compte des risques et par soucis de look ou manque de moyens vont à l'eau pas assez sérieusement équipés ou avec des combis pleines de trous. A mon époque le matériel était moins fiable et ce genre de galère (diabolo, aileron, mat, fixation wish...) était plus fréquent et nous y étions plus sensible mêm esi dans ces das on restait sur la planche. J'espère que cela leur fera prendre conscience du bien fondé de précautions.

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    1. Merci beaucoup pour ce commentaire ! J'espère aussi que certains prendront conscience du risque qu'il y a toujours quoi que l'on en dise, après je ne dis pas d'être sur le qui-vive sans cesse juste de faire les choses de telle sorte que ce genre de situation n'arrive pas où soient vite résolues.
      A bientôt.
      Lucie.

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